Une forte demande en Chine et au Vietnam
La demande émane de la classe moyenne et supérieure de la Chine et du Vietnam, des pays qui ont vu leur niveau de vie s’améliorer ces dernières années. Dans ces cultures, consommer de la corne de rhinocéros est un signe extérieur de réussite sociale et de pouvoir - tout comme avec le tigre. Offrir un objet en corne de rhinocéros est également très bien vu pour sceller un contrat commercial, à cause de sa rareté et de son prix.
La forte demande est aussi poussée par les vertus soi-disant thérapeutiques de la corne : en 2010, une rumeur raconte qu’un ministre vietnamien aurait guéri d’un cancer grâce à la corne de rhinocéros. Dès lors, la demande en corne a explosé sur le marché noir. Mais la corne n’est autre que de la kératine, comme nos ongles ou les sabots des chevaux ! Jamais une étude scientifique n’a démontré son efficacité dans le domaine médical.
Un moyen de survie dans un contexte de pauvreté et de tensions raciales
L’Afrique du Sud est un pays économiquement fragile où 50% des habitants vivent avec moins de 1€/jour. La plupart des braconniers de rhinocéros viennent du Mozambique, voisin frontalier encore plus pauvre. Cette chasse interdite fait vivre toute une communauté, du tireur à “l’indic”, en passant par le sorcier du village appelé pour protéger les braconniers. Car la corne rivalise avec l’or ou la cocaïne et sa rareté poussent les prix à flamber :
- 1 kilogramme de corne de rhinocéros peut valoir entre 40 000€ et 60 000€. A titre de comparaison, 1 kilogramme d’ivoire d’éléphant peut valoir jusqu’à 4 000€, soit 10 fois moins.
- En 2019, 1 kilogramme d’or valait 44 000€
- En 2017, 1 kilogramme de cocaïne coûtait autour des 35 000€
- Le chasseur peut toucher jusqu’à 5 000€ pour l’abattage d’un spécimen, soit 1 an de salaire.
Les conflits raciaux, encore très vifs en Afrique du Sud, viennent brouiller les intentions des défenseurs des animaux qui sont majoritairement blancs et plus aisés financièrement.
Un réseau criminel international et sans limites
Le braconnage d’espèces sauvages est le quatrième réseau criminel international après la drogue, la contrefaçon et le trafic d’êtres humains. Avec l’argent généré par ce commerce illégal, les braconniers peuvent acquérir du matériel sophistiqué : appareils de vision nocturne, hélicoptères, drones, armes de pointe… Une concurrence souvent déloyale face aux moyens modestes mis en oeuvre par les polices locales.
D’un point de vue organisationnel, le réseau s’appuie sur un maillage international souvent commun avec les autres réseaux criminels : les chasseurs, majoritairement pauvres, viennent des pays d’origine de l’animal ou frontaliers. La marchandise transite ensuite par l’Europe ou les Etats-Unis pour revenir vers l’Asie où sont localisés les riches commanditaires. Il devient alors difficile pour les douanes et autres services policiers de suivre ces marchandises parmi la montagne de colis expédiés chaque jour à travers le monde.
La valeur d’une corne de rhinocéros est tellement colossale qu’en France, en 2017, un rhinocéros a même été abattu au zoo de Thoiry, dans les Yvelines. En 2011, en Charente-Maritime, on a volé la corne d’un rhinocéros empaillé dans un musée.
Une lutte bien difficile face à la corruption générale
Malgré les efforts des parcs, réserves et ONG, il est difficile de lutter contre la corruption organisée par les puissantes mafias locales. Toutes les professions peuvent être corrompues : officiers anti-braconnages, policiers, magistrats, guides touristiques… Ces réseaux criminels ont parfois le soutien des populations locales car une petite partie de l’argent généré sert à la construction d'infrastructures vitales pour les villages.
L'aide à la protection de l'animal arrive bien souvent par l'intermédiaire d'initiatives privées (milices privées ou ONG). Elles se sentent souvent impuissantes face à l’arsenal et à l’organisation des braconniers, mais aussi face à l’étendue immense des territoires à protéger.
Préserver le rhinocéros va donc au-delà de sa simple protection physique. Il y a tout un écosystème financier, culturel et international à prendre en compte, d’où la complexité à enrayer rapidement le braconnage.