Le braconnage comme moyen de survie
Les lieux de capture du tigre sont situés dans des pays aux faibles revenus : Inde, Thaïlande, Népal, Laos et Birmanie. La pauvreté et le manque d’éducation les poussent à choisir la voie de l’illégalité. Tous n’iront pas tuer un tigre. Certains vont fermer les yeux sur des actions de braconnage, d’autres vont fournir des informations sur les derniers lieux où l’animal aura été repéré, d’autres se chargeront de faire passer la marchandise au-delà des frontières, mais tous seront rémunérés pour leur contribution. A titre d’exemple, une peau de tigre peut valoir jusqu’à 100 000 € ! C’est 4 fois plus qu’un kilo de cocaïne.
Les braconniers peuvent être soutenus par les villageois qui cautionnent leurs actions car le félin dégrade leurs cultures et leur bétail. Malgré les compensations financières mises en place par certains gouvernements, le désir de vengeance de certains agriculteurs ne se comble pas et seule la mort de l'animal apaise les tensions.
Un trafic difficile à contrôler
Le trafic de tigres s'organise suivant les mêmes modes opératoires et les mêmes acteurs que les trafics de drogues, d’êtres humains ou de coupes illégales de bois tropicaux. D’ailleurs, le trafic de tigres et de bois seraient liés, le premier finançant l’autre. Le réseau, structuré et armé, est implanté autour de frontières sous faible surveillance policière.
Le contrôle des marchandises échangées s’avère d’autant plus difficile à mettre en place que l’explosion du e-commerce s’opère partout dans le monde. Les produits transitent à travers la planète et se mélangent aux montagnes de colis qui circulent chaque jour. Il devient difficile pour les douaniers de tout surveiller (aéroports, frontières, ports…), surtout que leur priorité reste le trafic d’armes et de drogues.
Une frontière floue avec les fermes d'élevage
Le tigre reste également difficile à protéger car la frontière entre légal et illégal est floue. Dans les années 1980, pour répondre à une forte demande de sa population et protéger l'animal, la Chine a autorisé la création de fermes d’élevages de tigres. Dans ces fermes, les félins sont élevés comme du bétail : pour la reproduction et leur abattage.
Ce concept s’est petit à petit étendu à d’autres pays asiatiques et a parallèlement ouvert la voie à un nouveau trafic : tuer un tigre sauvage et le faire passer pour du captif. Sur les étals d’un marché, impossible de faire la différence entre les deux mais en terme de coûts, cela revient nettement plus cher de prendre le temps de l’élever.
L’autre effet pervers de cette autorisation, dénoncé par les ONG, est la déculpabilisation des potentiels acheteurs : en leur promettant une source légale pour ces produits, on les encourage à acheter et en toute confiance.
Un ancrage culturel profond au cœur du commerce du tigre
Les croyances autour du tigre sont tenaces, ce qui rend sa protection compliquée. La demande principale vient de la Chine et des quartiers chinois des grandes métropoles du monde, suivie par le Vietnam et les Etats-Unis. Dans la culture chinoise, les produits dérivés du tigre ont diverses fonctions. Ils sont utilisés en tant qu'indicateur convoité du statut social ou comme remèdes ancestraux. L’os de tigre peut être broyé et consommé en boissons pour devenir soi-même “tigre” et absorber ainsi ses caractéristiques : virilité, agressivité, domination...
Le changement des mentalités et traditions est un processus lent, d’autant plus qu'en 2018, la Chine a souhaité ré-autoriser le commerce de tigres et de rhinocéros sur son territoire, banni jusqu’alors. Devant le tollé international qu'a soulevé cette annonce, le gouvernement a finalement fait machine arrière. On voit bien que le répit accordé à ces animaux est fragile, mais aussi que la communauté internationale peut avoir un impact sur la protection des espèces !