Le braconnage, un moyen de survie
Le commerce illégal de l'ivoire traduit une difficulté des populations locales à subvenir à leurs besoins. Pour espérer vivre dignement, certaines personnes ne trouvent pas d’autres alternatives que le braconnage d'éléphant. Pour avoir une idée des enjeux économiques qui se jouent derrière ce commerce interdit, voici quelques chiffres :
- le "safari-chasse" est une pratique autorisée dans certains pays, et le touriste intéressé devra débourser entre 20 000 $ et 50 000 $ pour avoir le droit d'abattre un éléphant et de conserver son ivoire,
- suivant les années, le prix du cours de l’ivoire brut (non transformé) peut osciller entre 750 $ et 2 000 $ le kilogramme, sachant qu’une défense d’éléphant adulte fait généralement entre 7 et 10 kilogramme,
- la peau de l’éléphant se vendrait entre 100 $ et 300 $ le kilogramme.
Ce n’est donc pas étonnant qu’avec de pareils montants, certaines personnes misent sur ce commerce illégal pour survivre au quotidien. Effet pervers de la situation, les prix exorbitants des safari-chasses sont liés à la rareté de l'animal. Plus l'espèce sera proche de l'extinction, plus les prix vont grimper.
La chasse à l’éléphant peut aussi avoir le soutien de la population locale car les pachydermes viennent détruire et anéantir les efforts de cultures et les habitations. En échange d'un peu d'argent, certaines personnes fournissent aux braconniers des informations précieuses sur la localisation de l'animal pour “éradiquer” la menace.
Et derrière ce braconnage, se cache souvent une mafia puissante organisée autour d’autres trafics comme celui des armes. Ce dernier serait même financé par l'argent issu du braconnage d'ivoire. Ce sont souvent les mêmes intermédiaires et les mêmes réseaux utilisés, avec des moyens techniques et financiers impressionnants.
Un appât du gain qui influence les décisions politiques
L'éléphant reste difficile à protéger car tous les gouvernements ne se sont pas accordés sur l'interdiction de sa chasse. En 2019, le Botswana a levé cette interdiction sur son territoire. L'argument principal avancé était l'augmentation du nombre d'éléphants sur ses terres, ce qui devenait préjudiciable aux cultures agricoles. Il est vrai que le pays concentre à lui seul la plus grande population d'éléphants d'Afrique. L’année précédente, le pays avait également voté le désarmement de ses gardes-forestiers. Ces derniers se retrouvaient alors impuissants face à l’arsenal moderne des braconniers.
Les enjeux économiques sont tels que la corruption au sein des pouvoirs publics existe bel et bien. Il ne pourrait pas y avoir de réseaux criminels autant organisés sans la complicité d’autorités locales corrompues qui facilitent l’export de l’ivoire, ferment les yeux sur le trafic ou relâchent facilement les bandits.
Jusqu'en 2018, la Birmanie - pays d'Asie abritant des éléphants - ne réprimait pas ou très peu les crimes de braconnage, ce qui laissait le champ libre aux trafiquants (pas plus de 30 € d'amende pour un braconnier). Sous la pression internationale, le pays a changé sa législation pour la durcir. Désormais, il condamne les coupables à de la prison ferme allant jusqu'à 10 ans.
Une demande toujours forte malgré la menace d'extinction
Pour protéger les éléphants, il faut également sensibiliser les pays “demandeurs” d’ivoire comme la Chine, la Thaïlande, la Malaisie, les Philippines ou le Vietnam. Dans ces cultures, la possession d’ivoire est un symbole de réussite sociale et de richesse. La peau, réduite en poudre, est un remède traditionnel de la médecine chinoise. Elle sert aussi à la fabrication de bijoux en cuir comme des bracelets, nouvelle mode apparue en Chine dans les années 2010 via Internet. De ce fait, les éléphants continuent d'être la proie des braconniers pour leur ivoire mais aussi pour leur peau. Les femelles d'Asie étaient jusqu'alors préservées car elles ne possèdent pas de défenses ; elles se retrouvent maintenant menacées.
La Chine a récemment interdit l’importation et la commercialisation d’ivoire entre ses frontières, ce qui n’empêche pas le commerce illégal de continuer à s’y dérouler car la demande est toujours existante. On pourrait croire à l'amorce d'un changement de mentalités mais parallèlement, le pays autorise toujours la commercialisation des produits à base de peaux d’éléphants. Cela nous montre à quel point il est bien difficile de lutter contre les habitudes culturelles.